INTERVIEW REALISEE LE 12 MARS 2013 PAR RFI
Depuis mai 2012, l’armée congolaise combattait les rebelles du M23 dans l’Est de la RDC. Les rebelles revendiquaient à l’origine la pleine application des accords du 23 mars 2009, qui avaient notamment régi leur intégration dans l’armée et devaient consacrer le retour de milliers de réfugiés congolais tutsis. Le plus vieil ancêtre du M23 est le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), l’ex-rébellion de l’avocat Azarias Ruberwa, et qui fut vice-président de la transition (2003-2006) au sortir de la guerre. En mars 2013, il s’était confié à RFI.
Il soutenait que Kinshasa n’avait d’autre choix que négocier avec le M23. Aujourd’hui que le M23 est défait, les faits contredisent totalement l’option prônée par Ruberwa. Par devoir de mémoire, nous reprenons en intégralité le point de vue défendu en ce temps par le leader du RCD.
Il nous a dit que le président était conscient qu’il y avait beaucoup de problèmes dans le pays et il nous a donné quelque matière qui allait faire l’objet de ce dialogue – des questions liées à la gouvernance, des questions liées à la justice, des questions liées à la réconciliation… (…)
Nous lui avons fait des suggestions – avec cette réserve que, pour la démocratie, si c’est une réunion sérieuse nous prendrons part, mais si c’est du gaspillage de temps et d’énergie, de fonds, sans déboucher sur des remèdes substantiels, à ce moment-là on ne pourrait pas en faire partie. Il m’a laissé entendre que ce serait des décisions qui seront exécutées.
La première matière c’est évidemment la situation sécuritaire du pays, en particulier la situation sécuritaire à l’Est. Compte tenu de la nature, de l’historique et de la vision, surtout, du RCD, nous avions dit que nous pouvions être d’un apport important pour une paix durable à l’Est de la RDC en particulier, et dans l’ensemble du pays en général.
Nous connaissons le problème, nous connaissons les hommes, nous avons géré cette partie du territoire les années passées (…) Nous avons également abordé des matières comme la réconciliation, et particulièrement l’aspect de la nation. Parce que depuis l’Indépendance, lorsqu’on ne reproche pas ici d’appartenir à telle province, on reproche d’appartenir à telle tribu ou alors d’avoir tel type de faciès et ça fait de vous [quelqu’un de] plus Congolais ou moins Congolais.
Oui, absolument, bien sûr ! Il y a pas mal de questions. (…) Au-delà du niveau national, vous avez d’autres questions intrinsèques au sein de la société où, quelqu’un, parce qu’il est tutsi, il a tel faciès, on va lui imputer une nationalité étrangère (…) Il y a aussi des questions spécifiques aux minorités, telle cette question des réfugiés qui ne rentrent pas alors que ça fait quinze ans qu’ils sont dans les pays voisins. Ils voient leur terre en face, et donc ils peuvent constituer à coup sûr un bastion de recrutement pour quiconque veut des revendications qu’ils estiment légitimes.
Si les concertations se faisaient avant la conclusion des discussions de Kampala, évidemment, ils seraient peut-être fondés – comme tout Congolais qui fait des critiques – mais pas comme revêtus d’un mandat. Par contre, si au moment de ces consultations, la réunion de Kampala conclut que le M23 a un statut de parti politique ou de mouvement, et bien là, il fera cause commune avec les autres.
Kinshasa n’a pas le choix. Dans une guerre où vous n’avez pas la suprématie, vous ne pouvez pas mettre fin à cette guerre sans intégration. C’est quasi impossible. (…) Nous revenons encore une fois au débat sur la paix et la justice. Je m’interroge : comment voulez-vous que les chefs de l’armée, qui sont exclus de l’armée et qui sont sous sanction [de l’ONU], laissent jouer la carte de la paix pour que ce soit simplement leurs subalternes qui soient intégrés ?
Et leur sort, alors ? Et ils diraient : «Nous faisons la paix mais emmenez-nous en prison » ? (…) Il n’y a pas de mythe ou de mystère à faire : il y aura intégration. Maintenant, avec la division du M23, c’est une autre affaire…
A court terme, c’est une chance pour la paix parce qu’il y aura certainement un accord avec le gouvernement. Le premier accord ou l’accord à court terme sera entre le gouvernement et le groupe du général Makenga. Je pense qu’il n’y a pas de doute. A court terme c’est bon pour le gouvernement. Mais à long terme, c’est une mauvaise chose. J’aurais préféré un accord comme c’était envisagé il y a quelques semaines entre le gouvernement et l’ensemble du M23, plutôt qu’avec une partie.
Ce n’était pas mon rôle. D’abord, personne ne me l’a demandé. Et dans un contexte comme celui-ci, on va vous sortir toutes thèses du monde pour montrer que vous êtes contre les intérêts de la République. Alors pour éviter ce genre de débat, compte tenu des sensibilités qui entourent ces questions, communautaires aussi, j’ai dû me dire : « Chaque fois que je vais m’exprimer, je vais soutenir des négociations ». Et je le fais. (…) Je n’ai pas fait un travail systématique parce que je n’en avais pas le mandat. Au demeurant j’aurais pu aider à coup sûr à régler ce genre de problème.
C’est trop tôt mais dire que je n’y pense pas, ce serait faux. Je ne confirme pas la chose encore, mais justement par rapport à mes convictions et par rapport au potentiel du pays, je me dis pourquoi ne pas continuer à travailler sur l’opportunité d’un jour où je puisse être en mesure d’influencer à grande échelle. Le moment venu, je préciserai mes ambitions.
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